Il y a quelques semaines, sur le terrain de la pépinière des Alvéoles, nous étions en train de préparer les trous de plantation pour le nouveau « jardin des vignes », et avons pour l’occasion préparé du « biochar ». Et comme c’est un procédé qui est encore peu connu en France, nous avons décidé de vous parler !
Connaissez-vous le « biochar » ? Issu de la contraction de « biological » (biologique) et « charcoal » (charbon), le biochar est un charbon végétal activé dont on parle de plus en plus en agronomie comme étant un moyen de développer la fertilité des sols. Est-ce pour autant un produit miracle ? Peut-être pas, en tous cas ça a l’air d’être un produit extrêmement efficace, et ça nous a vraiment donné envie d’essayer.
Pour vous en parler de façon très concrète, nous avons invité sur notre terrain l’équipe de Charbonniers & Co, qui est basée pas très loin de chez nous, dans le Trièves. Ils sont venus avec un four à Biochar, monté sur une remorque, et nous avons capté quelques images de leur travail, au carrefour entre réappropriation de savoirs-faire artisanaux et de cultures locales, innovation technologique et éducation populaire. Retour en images sur leur venue.
« Ce qui est intéressant, c’est que chaque maraîcher, chaque agriculteur puisse préparer lui-même son biochar. On transforme la matière : le végétal va devenir carbone ; ça nous permet d’être en itinérance, comme les charbonniers d’antan. On peut charbonner avec le bois qui reste après des chantiers forestiers : on travaille essentiellement avec des déchets (on ne coupe pas d’arbres), en pratiquant la récolte sauvage. »
De la terra preta au four à pyrolyse
A l’origine du biochar se trouve la redécouverte dans les années 1970 de la terra preta (« terre noire ») en Amazonie : la richesse remarquable de ces sols, sur plusieurs mètres d’épaisseur, est liée à la présence abondante de charbon végétal issu des cultures sur brûlis. Les populations locales bénéficiaient d’un sol extrêmement propice à la culture, car la micro-porosité du charbon permet de retenir en abondance l’eau, les nutriments et de séquestrer beaucoup de carbone dans les sols. Cette micro-porosité est due à la pyrolyse qui permet de préserver durablement la structure de la matière organique de base, en conservant les cellules vides et vaisseaux auparavant remplies de sève et d’eau et en ne gardant que le carbone évitant ainsi son rejet dans l’atmosphère.
Aujourd’hui bien sûr ces pratiques, comme celles d’ailleurs des charbonniers du Vercors qui étaient encore en activité il y a quelques décennies, ne sont plus du tout d’actualité : le bilan écologique de ces activités est en effet désastreux. Mais quelques passionnés ont imaginé des charbonnières écologiques, avec un haut rendement énergétique.
« En gros on a deux cuves emboitées l’une dans l’autre. La cuve située à l’intérieur est fermée de manière hermétique. C’est une chambre autoclave. A l’intérieur on dispose la matière végétale (ici : du bois) qui sera transformée en charbon. Lorsqu’on met le four en marche on peut observer une vapeur blanche qui sort de cette cuve : c’est l’eau qui sort de ce bois : cela s’apparente à un système de séchage. Au bout d’un certain temps, le gaz contenu dans le bois qui est en train d’être pyrolysé est récupéré, et renvoyé dans la chambre de combustion pour l’auto-alimenter. Le processus dure environ 24h. »
Quel(s) intérêt(s) à utiliser le charbon végétal en agriculture ?
Le charbon obtenu est un produit très stable. Il peut donc demeurer très longtemps dans un sol, avec des effets sur le très long terme comme la terra preta le montre, et il représente un immense réservoir pour la vie du sol : champignons, bactéries et virus peuvent s’y loger et ainsi résister au lessivage et à l’érosion. Mais si ces derniers sont absorbés par le biochar, cela n’a d’intérêt pour le sol, en termes d’amendement, que s’ils bénéficient aux plantes et qu’ils ne sont pas uniquement stockés. Pour cette raison, les différents chercheurs et spécialistes qui ont fait des expérimentations avec le biochar, en tirent les mêmes conclusions : le biochar doit être inoculé avant utilisation.
« Les scientifiques qui travaillent sur l’utilisation du charbon en agriculture réfléchissent sur comment intégrer le charbon dans la terre, comment l’inoculer, le charger en « vie », en bactéries, en champignons, et comment ça peut servir, une fois dans la terre, pour la mycorrhization, les échanges avec les plantes…
Comment utiliser le biochar ?
Il y a différents types d’utilisation : en maraîchage pour le pralinage, l’inoculation des fèves, des tomates… Pour tout ce qui est arbustes, c’est une autre granulométrie, en sol séchant on peut mettre des plus gros blocs pour retenir plus d’eau.
Quand il est en poudre, il va être incorporé pas rapidement par le sol, et se disperser. Quand il est sous la forme de grains, il est encore plus stable. Le charbon joue principalement le rôle d’habitat, et sa surface s’absorption est impressionnante : de 250 à 500m2 par gramme. C’est d’ailleurs pour cela qu’on l’utilise pour la filtration de l’eau, mais aussi comme détoxifiant pour l’organisme.
Si on ajoute le charbon directement au sol, il peut y avoir un phénomène d’épuisement du sol dans le sens où le charbon va « aspirer » la vie microbienne du sol (au moins pendant quelques mois). Pour éviter ce désagrément, on peut « activer » le charbon en le plongeant pendant quelques heures dans un bain de micro-organismes (il existe de nombreuses recettes selon les régions du monde : EM, Bokashi, Lifofer, etc…). On incorpore donc un charbon chargé de cette vie, qu’on appelle « biochar ».